Uvéite

UVEITE


Définition

L’uvéite est une inflammation oculaire.
L’uvéite antérieure correspond à une inflammation de la chambre antérieure (elle consiste en une inflammation de l’iris et / ou du corps ciliaire). L’uvéite intermédiaire correspond à une inflammation primitive du vitré (elle comprend la pars planite).
L’uvéite postérieure correspond à une inflammation primitive de la rétine ou de la choroïde.
La panuvéite est une inflammation de tout l’œil sans début électif.

Symptômes

Les symptômes d’une uvéite antérieure sont en général un œil rouge douloureux avec baisse de vision, à l’exception, entre autres, des uvéites associées à l’arthropathie juvénile idiopathique.
Les symptômes d’une uvéite intermédiaire ou postérieure sont une baisse de vision de degrés variables, des « mouches noires » (myodésopsies), l’apparition de scotomes (« taches noires fixes » dans le champ de vision), micropsies, phosphènes etc.
Sont des signes d’inflammation de segment antérieur des précipités rétro cornéens, une inflammation de chambre antérieure, des nodules inflammatoires iriens.
L’inflammation de chambre antérieure est évaluée en quantifiant le Tyndall cellulaire (côté de 1 à 4 en fonction du nombre de cellules sur 1mm2 fortement éclairé en chambre antérieure) et le Tyndall protéique ou flare (côté de 1 à 4 en fonction de la visibilité des détails de l’iris et du cristallin). On note la présence ou l’absence d’hypopion. L’inflammation peut conduire à la formation de synéchies irido cornéennes, adhérence entre l’iris et la capsule antérieure qui peuvent aboutir, en l’absence de contrôle inflammatoire, à une secclusion pupillaire. L’inflammation du vitré (hyalite) se côte également de 0 à 4+ selon l’échelle de Nussenblatt et al.
A partir de la caractérisation de l’uvéite (uvéite antérieure, intermédiaire, panuvéite etc. granulomateuse ou non, synéchiante ou non, hypertone ou non) sont émises des hypothèses diagnostiques. Des examens complémentaires orientés (biologie, imagerie etc.) sont alors réalisés pour confirmer ou exclure ces hypothèses diagnostiques. Dans 30 à 40 % des cas, aucune étiologie n’est retrouvée.

Uvéite antérieure

Les principales étiologies des uvéites antérieures aigues non granulomateuses sont l’uvéite liée à l’arthropathie juvénile idiopathique chez l’enfant, l’uvéite HLA B27 et l’uvéite liée à la maladie de Behçet. L’hypopion, accumulation de polynucléaires en chambre antérieure, doit faire systématiquement rechercher et éliminer une cause infectieuse (endophtalmie) et néoplasique. Il oriente vers une maladie de Behçet (hypopion dans seulement dans 13-15% des uvéites antérieures liées à la maladie de Behçet) et une uvéite liée à l’HLA B27.

PRC spiculés diridocyclite de Fuchs

uveite anterieure aigue granulomateuse liée au VZV


Les principales étiologies des uvéites antérieures granulomateuses unilatérales sont les étiologies virales (uvéite liée à aux virus du groupe herpès ; iridocyclite de Fuchs, uvéite de Posner Schlossman) tandis qu’en cas d’atteinte bilatérale, les deux principales étiologies sont les uvéites liées à l’hypersensibilité à la tuberculose et la sarcoïdose.

nodules de Busacca iriens chez un patient avec panuvéite sarcoïdosique


Les uvéites antérieures sont traitées par des collyres corticoïdes, des agents mydriatiques pour mettre au repos le corps ciliaire et prévenir la formation de synéchies iridocristalliniennes inflammatoires, associées transitoirement à un traitement hypotonisant en cas d’hypertonie inflammatoire.
En cas de persistance de l’inflammation et / ou d’une inflammation initiale marquée et / ou de complications (ex : œdème maculaire), la réalisation d’injections sous-conjonctivales de dexaméthasone est recommandée. Si l’inflammation persiste, une corticothérapie systémique est parfois mais rarement nécessaire.

Uvéite intermédiaire

Les uvéites intermédiaires (inflammation primitive du vitré) sont idiopathiques (« pas de cause retrouvée ») dans 80% des cas. Ses deux autres étiologies principales sont la sarcoïdose et les pathologies démyélinisantes. Les uvéites intermédiaires non compliquées ne nécessitent pas de traitement. En cas de complications (vascularites rétiniennes, œdème maculaire cystoïde, papillite etc.) un traitement local ou systémique peut être débuté : les rechutes sont fréquentes et peu de traitement sont efficaces. Il faut toujours éliminer un masquerade syndrome dont le plus fréquent est le lymphome vitréo-rétinien.

Uvéites postérieures

Les uvéites postérieures regroupent les uvéites dont le site primitif de l’inflammation est soit rétinien soit choroïdien. Elles comprennent donc les rétinites, les neurorétinites, les rétinochoroïdites, les choroïdites et les choriorétinites. Elles peuvent se manifester par une baisse d’acuité visuelle variable, des scotomes, des myodésopsies, des photopsies et une héméralopie en particulier dans le syndrome des taches blanches.

foyer de rétinochoroïdite toxoplasmique avec artérite de Kyriéléis


Parmi les rétinochoroïdites infectieuses, la toxoplasmose est l’étiologie la plus fréquente, avec de grandes disparités géographiques. L’atteinte ophtalmologique concerne 2% à 17,7% des sujets ayant une sérologie toxoplasmose positive aux USA et dans le sud du Brésil. Le foyer de rétinochoroïdite est facilement identifiable sous forme d’une lésion blanchâtre à bords flous avec hyalite en regard, satellite d’une lésion cicatricielle pigmentée et atrophique. Des périphlébites, une artérite de Kyrieleis, voire des territoires d’ischémie peuvent être associés. En cas de toxoplasmose extensive chez l’immunodéprimé, le diagnostic différentiel avec une rétinite virale impose la réalisation d’une ponction de chambre antérieure à la recherche directe du parasite par PCR et d’une synthèse locale d’anticorps anti – Toxoplasma gondii.

La toxocarose, rare, se manifeste sous la forme d’une uvéite postérieure unilatérale chez l’enfant ou le jeune adulte avec un granulome choriorétinien maculaire ou périphérique dans la moitié des cas, à partir duquel se forment des plis rétiniens et des cordages vitréens. La réaction inflammatoire peut être très sévère et le décollement de rétine tractionnel est une complication fréquente, atteignant jusqu’à 36,8% des 22 patients de la série de Sewart et al. Aucun traitement curatif n’existe à ce jour et la combinaison albendazole – corticoïdes vise uniquement à limiter les dommages créés par la réaction inflammatoire.

La prise en charge médicale des rétinites virales constitue une urgence absolue. Le tableau d’ARN (acute retinal necrosis) syndrome se manifeste par une baisse d’acuité visuelle indolore unilatérale. L’atteinte antérieure est granulomateuse ; les foyers de nécrose rétinienne circonférentiels progressent de façon centripète à partir de la pars plana, accompagnés de vascularites et d’hémorragies rétiniennes. Le diagnostic repose sur un prélèvement d’humeur acqueuse en chambre antérieure pour l’identification du virus et la quantification de la charge virale indispensable au suivi de l’efficacité du traitement antiviral. L’aciclovir IV, ou le foscarnet sodique IV en cas d’inefficacité de l’aciclovir IV, doit être initié en urgence pour une durée de 3 semaines, associé à des injections intravitréennes bihebdomadaires anti virales et poursuivi par le valaciclovir per os pendant plusieurs semaines. Les anti agrégants à faible dose peuvent être administrés si le nombre de vasculites rétiniennes occlusives est important. Les complications principales sont la récidive, la bilatéralisation, l’atrophie optique et surtout le décollement de rétine.

Enfin, la troisième étiologie des uvéites postérieures infectieuses est bactérienne (syphilis, bartonellose etc.). Les rétinochoroïdites liées aux arbovirus – West Nile virus, chikungunya et fièvre dengue - sont en recrudescence.

Devant des foyers choriorétiniens ou choroïdiens multiples, il convient d’éliminer les étiologies infectieuses, puis de réaliser des examens complémentaires à la recherche de pathologies systémiques inflammatoires. Environ 30 à 60 % des patients avec une sarcoïdose systémique développeront une atteinte ophtalmologique. L’uvéite classiquement granulomateuse est la manifestation la plus fréquente (30% des patients). L’uvéite postérieure stricto sensu est retrouvée chez 28 % des patients avec une sarcoïdose oculaire. Elle est compliquée de périphlébites et d’infiltrats rétiniens en taches de bougie. L’angiographie à la fluorescéine permet de visualiser les vascularites et les territoires d’ischémie tandis que l’ICG peut mettre en évidence des granulomes choroïdiens. Environ 10 % des patients avec une uvéite sarcoïdosique évolueront vers la cécité dont la cause principale est l’œdème maculaire chronique. Même si l’uvéite sarcoïdosique est particulièrement cortico-sensible, le recours aux immunosuppresseurs est néanmoins nécessaire dans 5 à 15% des cas.

La maladie de Vogt Koyanagi Harada se manifeste par une panuvéite granulomateuse bilatérale avec décollements séreux rétiniens multiples et papillite dans les jours suivant une phase prodromique systémique souvent frustre.

Uvéite postérieure liée à une maladie de Behçet


L’uvéite postérieure est la deuxième atteinte ophtalmologique de la maladie de Behçet (30%) après la panuvéite (60%). Elle est associée à une hyalite, à des condensations en colliers de perle à la base du vitré dans un tiers des cas et à des vascularites rétiniennes occlusives à prédominance veineuse. Des infiltrats rétiniens superficiels résolutifs accompagnent des foyers de rétinite nécrosante. Les deux principales complications oculaires qui grèvent le pronostic sont l’œdème maculaire et l’atrophie optique consécutive à une inflammation sévère du nerf optique. Le traitement, comme pour le VKH, repose sur l’instauration rapide d’un traitement anti inflammatoire. Les anti TNF alpha sont recommandés en première ligne.

L’ophtalmie sympathique est une panuvéite granulomateuse dont les caractéristiques cliniques et angiographiques sont comparables à celles du VKH, à ceci près qu’elle se développe dans l’année suivant le traumatisme de l’œil controlatéral. Un traitement immunosuppresseur est également souvent nécessaire pour améliorer le pronostic fonctionnel.

La rétinochoroïdopathie de type Birdshot (RCB) est une uvéite bilatérale d’évolution insidieuse chez une femme âgée, HLA A29 +. Des taches profondes prédominantes en nasal de la papille, associées à une hyalite modérée, sont visibles au fond d’œil. L’angiographie à la fluorescéine met en évidence des lésions de vascularite et une capillaropathie. Des taches hypofluorescentes, infiltrats nodulaires choroïdiens, aux temps précoces de l’ICG s’imprégnant tardivement sont évocatrices du diagnostic mais peuvent ne pas être visibles chez 20 % des patients. L’œdème maculaire complique 60 % des RCB . L’imagerie multimodale, le champ visuel et surtout l’ électrorétinogramme permettent de suivre l’évolutivité inflammatoire.

Choroïdite ampigineuse


Le syndrome des taches blanches comprend le MEWDS, la choroïdite multifocale, la choroïdite ponctuée superficielle, l’épithéliopathie en plaques et la choroïdite serpigineuse. La distinction entre ces entités résulte de l’anamnèse, de l’aspect clinique et angiographique, de l’EOG, de l’ERG et de leur évolutivité. La choroïdite multifocale apparait sous forme de taches jaunes en moyenne périphérie rétinienne ou en péripapillaire qui correspondraient à des granulomes lymphocytaires choroïdiens. L’angiographie à la fluorescéine montre une imprégnation des lésions actives, hypofluorescentes aux temps précoces. La néovascularisation survient dans 33% des cas sur les bords des lésions cicatricielles.

Après élimination des étiologies infectieuses, le traitement des uvéites postérieures non infectieuses repose sur la corticothérapie systémique associée à des immunosuppresseurs en cas de menace visuelle ou de passage à la chronicité.